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journal d'un curé de campagne à la campagne
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3 octobre 2014

J'ai lu pour vous "Les déshérités" (François-Xavier Bellamy)

Une chose n’est pas écrite formellement dans ce livre, mais qui est sans nul doute la plus belle : l’auteur nous apparaît comme une intelligence droite et soucieuse de la vérité, un bel exemple de service en fait gratuit rendu aux générations actuelles et futures, la charité d’un maître. Un maître ? A son âge ? Eh bien il nous parle de « nos » enfants comme s’il en avait douze, à bon escient malgré tout, car « aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années ». En fait, le ton de son discours montre à quel point il se repose sur une tradition, sur une culture, de sorte qu’il n’a pas besoin d’être vieux –il a 28 ans- ni d'être papa -il est célibataire- pour être sage … d’ailleurs, c’est le propos principal de ce livre : dénoncer le délire auto-destructeur d’une refonte complète de l’éducation des enfants, sans tenir compte de la culture, et même en luttant contre elle, comme une ennemie …

La culture, une ennemie ??? Eh bien tout a commencé avec Descartes, et son doute méthodique, première étape désastreuse d’une pensée –cogito !- qui voudrait être son propre auteur, son propre père, sa propre Patrie. La transmission de la culture fait pour la première fois dans l’histoire l’objet d’une suspicion … Le drame, pour Descartes, est que l’enfant a malgré tout besoin de maîtres … l’idéal serait que l’enfant sache tout et tout de suite dès l’enfance, sans cette affreuse société –chrétienne- qui le déprave …

L’orgueil des temps modernes, donc, prend un autre visage, opposé au précédent, mais presque pire : l’Emile de Rousseau prive l’enfant de ses pères et pas seulement du sien, au prétexte que la culture pervertirait la nature nue et si pleine de bonté du « bon sauvage ». Dommage que Bellamy ne cite pas là Voltaire qui avait dit à Rousseau « il me prend l’envie, Monsieur, à vous lire, l’envie de marcher à quatre pattes ». A ce stade, l’école fait déjà de l’enfant un solitaire apatride, à qui il faut laisser la nature fabriquer sa culture ex nihilo ; quand on se prend pour Dieu …

Mais l’éducation nationale n’est pas seulement victime de ces deux épisodes funestes de l’époque « moderne » : une troisième catastrophe s’abattra sur elle, elle s’appellera « Pierre », puisque maintenant les cyclones peuvent changer de sexe … Pierre Bourdieu, au XXème siècle cette fois, ne parvient pas à se défaire de la gangue marxiste dans laquelle son cerveau s’est englué : il considère, en bon matérialiste athée, que l’enfant et la culture sont en fait des réalités matérielles, qu’il faut faire jouer les unes avec les autres, en vue d’une amélioration économique, pour  construire un système qui donne autant de chances aux prolétaires qu’aux bourgeois ; en effet, la « lutte des classes » se glisse sournoisement dans le schéma scolaire pré-bourdien, reproduisant de façon implacable la supériorité des uns sur les autres, par des notations, notamment et surtout par une culture dont le langage est confisqué par les riches. Supprimons les notes (ça ne vous rappelle rien ?), détruisons le Capital de la culture générale bourgeoise et … nous deviendrons –ça a bien commencé- tous pareils, tous incultes, tous des moyens de production, la France est un des pays où les disparités scolaires entre riches et pauvres sont les plus dramatiques d’Europe ! Un vrai paradis communiste …

Finalement, et c’est la glaçante révélation de ce livre, le « naufrage de l’Education nationale » n’est pas du tout un échec, mais l’application à la lettre d’un programme lentement mûri, dont le but avoué est de déconstruire pour refaire l’homme à sa propre image, sous les coups contradictoires mais répétés de l’histoire de la pensée moderne.

Terrible application de ce diagnostic à l’actualité de la dénaturation du mariage : ce ne sont pas seulement trois dégénérés parisiens qui ont réussi à faire des lois qui justifient leurs choix dépravés, il s’agit de « terminer la Révolution française », comme disait l’Ignoble, c’est-à-dire de nettoyer complètement la bibliothèque de la civilisation pour n’y mettre que deux ou trois livres qu’on a soi-même écrits.

« La lecture est le plus décisif des voyages, le chemin le plus favorable pour qui veut progresser vers sa propre liberté, et l’occasion de vivre la seule véritable aventure de l’existence, celle qui consiste à devenir soi-même (page 148)» Evidemment, la seconde partie du livre est plus intéressante encore que la première, qui décrivait la préhistoire du « pédagogisme », notion dont le mot indique assez bien que le but n’est pas de transmettre quoi que ce soit, mais plutôt de se concentrer sur l’attitude de l’homme pensant, dans une pédagogie qui se contemple elle-même au lieu de servir le bien, le vrai, le beau … qui sont autant de traces de Dieu dans le monde.

« La culture est le passage nécessaire par où s’accomplit notre personnalité. Elle n’augmente pas ce que nous avons mais ce que nous sommes. Et en cela, elle n’est pas accessoire mais essentielle (page 114)». Après la dénonciation, on attendait des perspectives, une ouverture, une espérance : sous sa plume, la culture n’apparaît pas comme une chose, mais comme un révélateur des potentialités de l’homme, une nécessité pour que l’on puisse « devenir soi-même » comme disait Pindare.

L’auteur nous rappelle que l’expression « les humanités » pour désigner l’apprentissage de la culture est symptomatique de ce que la culture apporte à notre humanité propre et à l’humanité en général (et d’ailleurs, NDLR, quand on parle du journal qui porte ce nom, on dit généralement « l’huma », ce qui dénote heureusement quelque chose de tronqué !)

« Voilà le cœur du paradoxe : abandonner l’homme à la nature, c’est le dénaturer. L’augmenter d’une tradition, lui offrir une autorité, c’est lui donner au contraire l’occasion de s’approcher de sa nature (page 155). Belle « défense » de l’autorité, qui retrouve ici ses lettres de noblesse, débarrassée de ses oripeaux de dressage, mais revêtue d’une fonction essentielle : l’autorité du maître (ou des parents) est le pendant psychologique et pédagogique de l’autorité d’une culture qui permet à l’enfant de se connaître et d’acquérir les éléments d’une vraie liberté ; pour être libre, il faut mettre de l’ordre dans sa vie et respecter l’autorité ( !). Délicieusement réac’

L’école de la République (quel mariage affreux !) se donne pour tâche de lutter contre le sexisme : louable intention, me direz-vous, mais vouée à l’échec, car la leçon de morale ne repose sur aucune culture française particulière ; ainsi, l’auteur propose de transmettre des figures de femmes qui ont brillé dans notre histoire afin de montrer la valeur féminine, plutôt que d’asséner de la morale …

A noter le beau chemin que l’auteur nous fait parcourir du particulier à l’universel : c’est en intégrant une véritable culture qui fait advenir à soi que l’enfant pourra s’ouvrir aux autres et aux autres cultures, avec un langage efficace, le chemin inverse est idéologique et est voué à l’échec.

A noter, enfin, une ode à la reconnaissance comme principe de construction de civilisation : conscient de ce que je dois à mes ancêtres et à ma culture, je sais les remercier pour m’avoir donné les moyens de devenir quelqu’un plutôt qu’un individu manipulable par une dictature.

« L’être humain est par nature un être de culture (page 118) » : cette délicieuse phrase d’anti-rousseauisme primaire est une friandise qu’on ne peut pas se refuser ! Allez, reprenez-en un peu …

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