J'ai lu pour vous Une métaphysique pour les simples (du Père Emonet)

Eh oui, toutes les recensions ne peuvent pas traiter que de romans divertissants ou d’essais brûlants d’actualité ! Une métaphysique pour les simples (1991) se présente pourtant d’une lecture facile, pourvu que certaines conditions, tout de même, soient réunies : plutôt le matin que le soir, juste après les ablutions et sustentations en quelque sorte rituelles, ou alors après un bon goûter, et avec un crayon à la main. Les «simples » dont il s’agit ne sont pas les idiots, ce sont ceux qui ne connaissent pas encore le langage technique de la métaphysique.

La métaphysique –il faut bien avouer que ce mot fait peur !- est ici présentée comme une étude de l’être, comme un émerveillement devant l’être, une contemplation de l’être, démarche qui d’étape en étape remonte vers la source de tous les êtres, Celui sans lequel rien ne pourrait être : Dieu. Dieu est nécessairement, en vertu de ce mot qui trahit la perfection en toute chose, « celui qui est (eh oui, comme dans le buisson ardent !)» de la manière la plus parfaite : «être » est pour lui un acte parfait, il est appelé « Acte pur ». Il s’agit bien d’un livre de philosophie, le langage y est surtout rationnel, le domaine de la foi n’intervient que dans la mesure où il rejoint ce traité de simple philosophie ; d’ailleurs, dans la foi, il n’est rien d’anti-rationnel, c’est une bienheureuse confirmation que l’on trouve ici.

Je ferai bien un reproche au bon Père Emonet : tout le livre est traversé par la conviction sans doute juste qu’il y a entre la métaphysique (contemplation de l’être) et la poésie (émerveillement devant l’être) une connivence et même un lien indissoluble ; ainsi, il se veut rassurant pour les « simples », s’ils n’entendent rien à la philosophie, ils peuvent se jeter dans la poésie et tout ira bien !!! Que nenni, Cher Père, ce n’est pas si simple : j’ai trouvé des mots bien plus extraordinaires et bien plus parlants dans vos phrases « purement » métaphysiques que dans de nombreuses citations poétiques qui m’ont immédiatement « largué » dans le monde des non-initiés de la poésie. Je dirais plutôt, du haut mon ignorance, que tantôt la philosophie tantôt la poésie parviennent à nous communiquer le goût de l’être, l’intérêt pour le fait qu’une chose soit plutôt que ne soit pas, l’émerveillement devant cette victoire de la réalité sur le néant. On fait ce qu’on peut.

Une phrase, par exemple, m’a plongé dans un réel plaisir de l’esprit : « lorsque la matière a reçu une des formes d’être possibles, elle demeure en appétit des autres » ; ainsi s’explique le foisonnement de la nature, tous ces animaux et réalités pléthoriques qui montrent à quel point la matière peut prendre toutes les formes et même encore certaines autres si c’était possible, selon la liberté du Créateur et la plasticité de la matière qu’il a créée du reste !

Une dernière chose : si le mot « transcendantal » vous est inconnu ou vous semble ésotérique, sa présentation ici est proprement lumineuse, comme un génial morceau de musique qui jaillit tout fait et sans rature du génie d’un artiste ! A lire